Vers un apprentissage territorial avec les abeilles?

Chargée de projet : Audrey Raulin

L'abeille peut-elle être le fer de lance d'une autre manière d'agir ensemble avec et au service du vivant? Sa portée symbolique et sa place dans l'écosystème nous portent à croire qu'elle peut jouer un rôle fédérateur à l'échelle d'un territoire pour créer de nouvelles relations entre ses différentes forces habitantes : les humains et non-humains, les producteurs et les consommateurs, le végétal et l'animal, le domestique et le sauvage... Pistil veut donc se saisir de la préoccupation de sauvegarde de l'abeille pour questionner et travailler en profondeur les relations créatrices de nos territoires de vie et de notre propre «être» territorial ou manière d'habiter et d'être habité par le proche.

En nous appuyant sur la dynamique déjà amorcée à Tessy Bocage autour du repeuplement du mur à abeilles, nous entrons en recherche-action participative avec une question pratique : comment gérer collectivement la ressource mellifère d'un territoire, entre apiculteurs, agriculteurs, habitants et collectivité? L'enjeu est d'assurer l'approvisionnement naturel de l'abeille en nectar et en pollen grâce à une diversité florale sur toute la saison de butinage. Si le paysage floral d'un territoire dépend largement des pratiques de production agricole qui façonnent l'espace, le consommateur peut aussi l'impacter par sa demande en produits et son investissement dans la construction de filières locales assurant le débouché à des productions favorables aux abeilles. Comment organiser une solidarité locale entre consommateurs et producteurs pour cultiver un paysage nourricier de l'abeille?

C'est en reliant la question de l'alimentation humaine à celle de l'abeille que notre recherche-action veut explorer les possibilités d'organisation collective entre acteurs locaux. Nous invitons les habitants d'un territoire à étudier l'alimentation de leurs abeilles et à évaluer l'impact potentiel d'un changement de leurs propres pratiques alimentaires sur la nourriture des abeilles. Cette étude participative permettra d'aller à la rencontre des producteurs afin de co-construire des micro-filières en circuit court garantissant des débouchés à de nouvelles pratiques ou de nouveaux produits.

La dimension active de notre recherche-action est donc l'élaboration d'un projet de territoire mellifère qui se déroulera en trois phases :

une phase de diagnostic : inventaire pollinique, inventaire botanique, identification et connaissance des problématiques alimentaires et agricoles du territoire ;
une phase de construction de projet : étude de faisabilité de filières en circuits courts ;
une phase d'organisation : définition d'une gouvernance partagée du territoire mellifère.

La recherche quant à elle viendra à la fois nourrir les outils utilisés et analyser les dynamiques de changement à l'oeuvre. Un partenariat avec le laboratoire EVA de Caen nous apportera ses connaissances sur l'écologie de l'abeille. D'autres partenariats en sciences sociales viendront nous accompagner au fil du projet, notamment au travers de séminaires, pour nous aider dans notre analyse des changements individuels et collectifs qui peuvent contribuer à nous faire entrer autrement dans la transition écologique, guidés et transformés par les abeilles.

Partenaires financiers : Mairie de Tessy-Bocage, Département de la Manche, Région Normandie, Fondation de France, Fonds Leader, INRAE, Université de Caen.